L’évolution des comportements d’achat, amplifiée par la révolution numérique, a profondément redéfini les rapports entre les organisations et leurs clients. Les entreprises ne peuvent plus se contenter d’optimiser leur marketing ou leur offre : elles doivent repenser structurellement la façon dont elles prennent leurs décisions stratégiques. Cet article explore pourquoi il devient impératif de considérer les clients non comme des cibles, mais comme des partenaires décisionnels, et comment l’approche Jobs to be Done (JTBD) fournit un cadre robuste pour répondre à cette exigence.
L’histoire contemporaine du marketing repose sur un paradigme clair : les entreprises produisent, communiquent, vendent. Les clients, quant à eux, consomment. Ce modèle, qui a façonné l’ère industrielle et la consommation de masse, reposait sur une asymétrie d’information forte en faveur des producteurs.
Ce paradigme s’effondre.
Avec l’émergence d’internet, puis des plateformes conversationnelles et des réseaux sociaux, les clients sont devenus des acteurs informés, interconnectés et critiques. Ils peuvent comparer, recommander, alerter, co-construire. Ils n’attendent plus des entreprises qu’elles leur vendent un produit, mais qu’elles les aident à progresser dans leur contexte propre.
Face à cette mutation, nombreuses sont les organisations qui peinent à adapter leur gouvernance. Nos travaux révèlent trois réactions typiques et souvent inopérantes :
le repli sur l’optimisation interne : focalisation sur les coûts, la performance ou les process sans recentrage sur le client réel ;
l’automatisation excessive de la relation client, qui déshumanise les interactions et détériore l’expérience perçue ;
l’illusion du “persona client”, trop souvent construit en chambre, sans confrontation suffisante avec la réalité des usages.
Conséquence : les décisions prises s’éloignent progressivement des attentes du marché et détruisent de la valeur à moyen terme.
Face à ce constat, l’approche Jobs to be Done fournit une alternative pragmatique. Développée à Harvard par Clayton Christensen, JTBD part d’un postulat simple : les clients n’achètent pas des produits, ils les engagent pour accomplir un “job”. Ce “job” est une mission à remplir, une progression attendue dans un contexte donné — qu’il soit professionnel ou personnel, rationnel ou émotionnel.
Ainsi, la compréhension de ces “jobs” permet de :
redéfinir les priorités d’investissement R&D,
orienter les offres vers des usages concrets et différenciants,
rationaliser les choix marketing et commerciaux,
et créer une dynamique d’alignement transversal (direction, produit, RH, communication).
Les disruptions économiques, climatiques, technologiques et géopolitiques créent un environnement structurellement instable. Dans ce contexte, la capacité à s’aligner rapidement sur des signaux faibles exprimés par les clients devient un avantage compétitif majeur.
Notre recommandation : intégrer l’approche JTBD dans les routines stratégiques de l’organisation (revues d’offres, roadmaps produits, feedback client, plans de transformation) pour ancrer les décisions dans la réalité observable des comportements d’usage.
La montée en puissance des clients n’est pas une contrainte. C’est une opportunité de refonder les stratégies d’entreprise sur des bases solides, pragmatiques et durables. Celles et ceux qui sauront capter, interpréter et répondre aux “jobs” de leurs clients ne survivront pas seulement à l’instabilité actuelle : ils en feront un levier de différenciation et de croissance durable.